Historique

Mons-en-Barœul, terre de brasseurs

 

La Brasserie Heineken est installée sur la zone industrielle de la Pilaterie, dans la rue bien nommée du houblon à Mons-en-Barœul. S'étalant sur 24 hectares cette usine gigantesque a pourtant une origine très modeste.

 

L'histoire de la Brasserie Heineken de Mons-en-Barœul est celle de deux brasseries qui évolueront en parallèle avant de se rejoindre :

 

   - La plus ancienne, une brasserie monsoise

La Brasserie de Léon Delattre fondée en 1881 devenue Brasserie Coopérative de Mons-en-Barœul en 1904 suite à l'achat de la famille Waymel. 


 

   - Une brasserie lilloise :

Créée sous le nom de Pélican, en 1921, par 3 brasseurs Louis Boucquey, Raoul Bonduel et Armand Deflandre.

 

A Mons-en-Barœul, la Brasserie originale de Léon Delattre, dite du Tape-Autour, puis des Waymel

 

Cette brasserie est la suite d'une longue tradition locale car, comme dans toutes les villes, il y avait à Mons-en-Barœul plusieurs brasseries. 



Une plaque de la Brasserie du Tape Autour de Mons-en-Barœul

 

Cette brasserie qui est la seule qui subsiste était au départ la ferme-brasserie de Léon Delattre fondée en 1881, connue aussi sous le nom de Brasserie du Tape-Autour. Celui-ci s'associera à Jean Odoux avant l'acquisition par la famille Waymel le 31 décembre 1903 qui créa la Brasserie Coopérative de Mons-en-Barœul.

 


L'annuaire 1901 des brasseurs et malteurs date la fondation de la Brasserie du Tape-Autour de 1883, alors que sur les relevés cadastraux de 1881 celle-ci figure déjà. 


 

Le descriptif cadastral de 1881 précise l'existence de plusieurs bâtiments : Un corps de logis avec véranda et bureau, une remise d'écurie, une malterie de plus de 300 m2, une brasserie de près de 220 m2, une machine et cheminée et une autre remise.


 

La réunion avec Pélican, devenue Pelforth

 

La Brasserie Pélican, créée en 1921 à Lille par 3 familles de brasseurs : Les Bonduel, les Boucquey et les Deflandre qui était productrice des bières Pelforth, cherche à s'agrandir et arrive à Mons-en-Barœul.

 

En 1972 la brasserie est rebaptisée, prenant le nom de la bière Pelforth, lancée en 1937. 

 

D'autres regroupements

 

La Brasserie Pelforth fusionne avec de nombreuses brasseries dont la Brasserie Carlier de Coudekerque-Branche (près de Dunkerque) et devient Pelforth SA. 

 

La Brasserie Carlier avait été fondée en 1906 par Georges Olivier, sous le nom de Brasserie Moderne Olivier et Cie, reprise en 1910 par Pierre Joseph Carlier elle devient Brasserie Moderne Carlier et Cie. Marcel Carlier succède vers 1920 et elle devient Brasserie Carlier. Si officiellement elle a été rachetée en 1975 par Pélican, on a des documents qui témoignent d'un rapprochement bien antérieur comme un calendrier daté de 1957.


 

Vers 1980, les Brasseries et Glacières d'Indochine (devenues Brasseries et Glacières Internationales) par l'intermédiaire de leur filiale Union de Brasserie prennent la majorité du capital.

 

L'association avec Heineken

 

Par la suite la BGI s'associe avec Heineken France pour former la Société Générale de Brasseries (SOGEBRA) qui deviendra en 1986 la Française de Brasserie (FRABRA). 

 

Jusqu'en 1987 le siège social est situé rue Delphin-Petit à Lille. En 1993 la Française de Brasserie (FRABRA) devient Brasseries Heineken avec 3 sites de production à Marseille, Schiltigheim et Mons-en-Barœul.

 

 La Brasserie Coopérative de Mons-en-Barœul 


La Brasserie Coopérative de Mons-en-Barœul a vu le jour le 31 décembre 1903. Il s'agit en fait d'une fausse coopérative car la famille Waymel y détenait la majorité du capital.




Louise Waymel a écrit plusieurs cartes postales, dites cartes photos (voir le site consacré aux cartes postales de Mons-en-Barœul), qu'elle fabriquait elle-même. Parmi celles-ci, cette vue de la Brasserie Coopérative de Mons-en-Barœul, la carte est datée de 1905. La brasserie de Mons était devenue très rapidement une des plus importantes brasseries de l’arrondissement de Lille.

  


La seule vue connue de l'entrée de Brasserie Coopérative de Mons-en-Barœul créée le 31 décembre 1903 par la famille Waymel © Collection personnelle Jacques Desbarbieux







La Brasserie du Pélican 

 

Louis Pasteur découvre la pasteurisation dans la future Brasserie Pélican

 

En 1863, Louis Boucquey de Caesteker fonde une brasserie à Lille dans le quartier Vauban. Il s’honore d’y accueillir Louis Pasteur qui peut ainsi expérimenter ses travaux aux origines de la " pasteurisation ". Jusqu’à la Première Guerre mondiale, l’usine fabrique de la bière de fermentation haute et la production varie entre 10 et 20 000 hectolitres par an.

 

Au sortir du conflit, Louis Boucquey, le petit-fils du fondateur, aurait pu comme d’autres brasseurs dont les usines avaient été, comme la sienne, endommagées et réquisitionnées - utilisation du cuivre pour l’effort de guerre oblige -, baisser la garde. 

 

La naissance de la Brasserie du Pélican en 1921

 

En 1921, Louis Boucquey choisit de s’associer avec deux autres brasseurs, Armand Deflandre et Raoul Bonduel, pour relancer la fabrication, toujours à Lille. Elle se fera sous le mode de la fermentation basse qui représente à l’époque 80 % du marché de la bière.



Contrairement à la coutume de donner son patronyme à la société, les trois associés optent pour Pélican, le nom d’une danse, " la danse du Pélican ", fox trot alors très à la mode. Le nom est prononçable dans toutes les langues et le symbole du Pélican suffit pour se faire comprendre. 



Le succès est rapide. En 12 ans la production décuple, passant de 10 000 hectolitres en 1921 à 100 000 hectolitres en 1933, dont 60 000  en bouteille de 33 cl et le reste en fût.


 

Au début du siècle, la chope ne titrait pas plus de 2°5 d’alcool. Au contraire des Allemands qui buvaient, par litre il est vrai, des bières légères, les Français, sans doute par habitude du vin, se montraient amateurs de boissons plus corsées.

 

En 1937, Jean Deflandre, le fils d'Armand, pilote la fabrication d’une nouvelle bière. Il parvient à assembler trois (et non deux comme il est souvent indiqué) malts d'orge en les combinant avec une souche de levure qu'il a rapporté de son séjour dans la Brasserie anglaise Kingston Upon Thames. Il crée une nouvelle bière brune titrant 6° d'alcool, en fermentation basse, alors que la plupart des bières de l'époque sont blondes.


 

La Pelforth 43 visait à concurrencer la Porter 39

 

Cette bière prend le nom de Pelforth 43 : Pel vient de Pélican ; forte, elle l’est par son degré d’alcool ; le th veut faire british et 43 (en référence au régiment lillois ou à la proportion comme expliqué ci-dessous) apporte un numéro comme pour la Porter 39. 

 

Certaines sources explique que le nombre 43 correspond également à la quantité d'orge nécessaire à la fabrication d'un hectolitre de Pelforth, alors qu'il en fallait 39 pour la Porter. Jean Deflandre que nous avons filmé et interviewé donnait les deux explications.

 

La Pelforth 43 est lancée à l'occasion de l'Exposition Internationale de 1937, son succès est immédiat dans toute la région. Avec cette nouvelle bière s'ouvre une nouvelle ère avec les bières dites de spécialité.

 

En 1939, Jean Deflandre succède à son père à la tête du Pélican et c’est la guerre et ses difficultés d’approvisionnement. 



La Brasserie Pélican à Lille, non loin du Port fluvial


Toutes sortes d’ingrédients seront alors mêlés au jus de houblon : betteraves, pommes de terre, blé et caroubes (fruits méditerranéens à la pulpe sucrée). Certains refusent d’adapter les règlements aux nécessités de l’époque. C’est le cas du directeur de la Brasserie de Mons qui verra sa production chuter notablement. Le différend qui l’oppose à Mme Waymel, propriétaire de l’usine monsoise, entraînera le départ du directeur qui reprendra la Brasserie des Trois Moulins à Fives. Pendant la guerre, la société Pélican loue deux hectares de terrain à Saint-André pour en faire des jardins ouvriers. Afin d’éviter le vol des précieuses patates et autres légumes, deux hommes surveillaient les lieux, jour et nuit, dans une cabane attenante.Vers 1954, M. Deflandre rachète 30 % des actions. Progressivement Pélican reprend l’entreprise monsoise et possède 95% du capital vers 1970. La Bière de Mons sera encore vendue sous cette marque jusqu’en 1975.

 

L’usine travaille 350 jours par an, nuit et dimanche compris. L’eau nécessaire à la fabrication est pompée sur place, par forage, directement dans la nappe phréatique, à 80 ou 100 mètres de profondeur. Il en faut beaucoup ! Pour 1 litre de bière en 1935, on utilisait 20 litres d’eau. L’instauration d’un impôt sur l’eau va rendre les brasseurs plus économes…et l’on en arrive à 5 litres d’eau pour 1 litre de bière.



Boulevard de Lorraine, le site des Brasseries Pelforth / Pélican à Lille


Le conditionnement et les transports, eux aussi, évoluent. Dès 1920, on se sert des bouteilles à bouchon mécanique. La « couronne » venue d’Amérique apparaît vers 1925. Les lourds fûts de chêne, pour les cafés, contiennent 100 litres et leur entretien est assuré par des tonneliers dans l’usine. L’acheminement se fait, soit sur des charrettes tirées par des chevaux (au moins 50 chevaux dans l’écurie du Pélican jusqu’aux années soixante-dix), soit en camions de 5 tonnes à partir de 1930. Il fallait deux livreurs bien costauds – on les appelait cartons – pour manœuvrer un tonneau de 110 kg. 



Sortie de camions de la Brasserie Pélican de Lille


M. Deflandre n’a pas développé l’histoire des conflits sociaux qui agitèrent, à l’occasion, son entreprise. Il évoque l’essor de la production du Pélican : 200 000 hl en 1950 contre 100 000 avant la guerre A son arrivée, la Brasserie de Mons ne commercialisait que 80 000 hl. C’était pourtant une grande usine, seule à l’époque, avec l’imprimerie Goossens, sur les lieux de l’actuelle zone industrielle. A deux cents mètres, la pièce d’eau entourant le château Scrive faisait la joie des ouvriers qui allaient y pêcher.

 

En 1962, M. Deflandre obtient le passage de l’autoroute à la Peau de vache. Le projet initial prévoyait la traversée de la brasserie ! A propos des négociations avec Heineken, vers 1985, il rappelle que le patron hollandais s’était fait kidnapper peu avant. Détenu pendant deux mois, Freddy Heineken avait payé une lourde rançon. Il est arrivé à Mons, avec ses gardes du corps, dans un cortège de sept Mercedes blindées. L’insécurité ne date pas de maintenant. Aujourd’hui, à côté de quelques géants brassicoles, renaissent de petites brasseries artisanales. Elles produisent des bières moins normalisées, mais toutes à déguster avec modération, bien sûr, comme les autres boissons alcoolisées !


Le Pélican arrive à Mons-en-Barœul en 1963

 

L'entrée de la Brasserie Pélican de Mons-en-Barœul, rue du Général de Gaulle, avec la maison du gardien qui possédait un calvaire.



En couleur la même vue en 2008, l'entrée de la Brasserie ne se fait plus par la rue du Général de Gaulle. Le calvaire a disparu et la maison est celle du gardien de la cartonnerie Goosens. La photo de droite montre cette entrée à l'époque de la Brasserie Coopérative, avec l'enseigne au dessus. En 2016 la maison a été abattu, après la disparition de l'usine Goossens, et le quartier totalement remodelé.

 

De 1963 à 1966 la Brasserie Pélican investit le site de l'ancienne Brasserie Coopérative de Mons-en-Barœul, S. A. fondée le dernier jour de l'année 1903 et dirigée par MM. Hoffman et Waymel. 



Suite à son transfert à Mons-en-Barœul, l'usine de la Brasserie Pélican de Lille est démantelée. C'est l'entreprise de démolition Capon qui abattra sa cheminée.


La Brasserie Pélican Avant - Après !


Seule trace du passé cette enfilade de 12 colonnes qui matérialise l'ancien emplacement de la brasserie Pélican à l'angle du Boulevard de Lorraine et de la rue Charles de Muyssart. Le siège social était situé juste à côté rue Delphin Petit, une voie qui donne dans la rue Charles de Muyssart.

La Brasserie du Pélican devient Pelforth en 1972

 

En 1972 la brasserie est rebaptisée, prenant le nom de la bière Pelforth, lancée en 1937. 


 

En 1986 la brasserie Pelforth est rattachée au groupe international Française de Brasserie, née de la fusion de Heineken France et d'Union de Brasseries. Jusqu'en 1987 le siège social est situé rue Delphin-Petit à Lille. 


La Brasserie Pelforth devient la Brasserie Heineken en 1990


Dans les années 1990 la Française de Brasserie devient Brasseries Heineken. La brasserie produit encore la Pelforth blonde et brune, la Georges Killian's, la Pélican, la Heineken, la "33" Export, l'Amstel, la Buckler, la brune Porter 39 et une bière de mars.

En 1995 la brasserie employait entre 450 et 550 personnes.


Heineken regroupe ses activités


Fin 2022, Heineken a annoncé sa volonté de supprimer un de ses trois sites de production en France, avec la fermeture de l'usine alsacienne de Schiltigheim, proche de Strasbourg, en ne gardant que ceux de Marseille et Mons-en-Barœul.


De ce fait la Brasserie de Mons-en-Barœul devrait connaître une extension de ses activités.


Un retour étonnant quand on pense qu'à une époque il ne pouvait y avoir de bonne bière que dans l'est de la France et que la communication était axée dans ce sens, comme on peut le découvrir ici.


Voir une suite ici


Les autres Brasseries de Mons-en-Barœul

 


Ces tonneliers ont été immortalisés en plein travail dans le quartier du Sac au Dos. Comme ce document le montre il n’était pas rare de voir des enfants participer. La fabrication des tonneaux tenait une place importante en rapport avec l’activité brassicole. Un nom est d’ailleurs resté, c’est celui du Tape Autour, il évoque le geste des ouvriers encerclant les ferrailles autour des barriques. 


La Brasserie de Jean Lammens Devulder


 

La Brasserie Lammens, dite Brasserie Saint Jean, au 167 route de Roubaix (actuelle rue du Général de Gaulle) a été ouverte en 1892. Après Monsieur Lammens, elle fut reprise par Charles Lutun.



Sur cette vue de 1920, devant l'estaminet Rémy attenant à la brasserie de Charles Lutun, la distribution de lait faisait concurrence à la bière de la Brasserie Coopérative de Mons-en-Barœul, comme on le voit sur l'inscription en lettres gravées sur la vitrine ...



Le café de Victor Lelièvre, rue Daubresse-Mauviez (actuelle rue du Général de Gaulle)

 

Ci-dessus cette photo prise en 1937 montre sur l’imposte le nom de Victor Lelièvre. Ce maire de la commune de Mons-en-Barœul, décédé en 1922, avait exploité avec son épouse Adélaïde Fiefvet, rue Daubresse-Mauviez, ce café qui fut aussi le siège du parti socialiste S. F. I. O. L’enseigne “ La Coopérative l’Avenir ” rappelle qu’il fut l’un des fondateurs de cet établissement sis à Fives-Lille. Au décès de son père, c’est le fils, également prénommé Victor qui reprit cet estaminet, avec sa femme Lucienne Maes. Sont présents M. Pollet, Mme Lelièvre (dans l’encoignure de la porte), la petite fille Lelièvre (future épouse Dutriez), M.M. Désiré Lefebvre, Édouard Deroy, Sadaune, Murray, Vanuxem dit Louis Soupape et Florimond Bonte.


La Brasserie Saint Louis de Maurice Derieppe



Dans l'annuaire des brasseurs et malteurs de 1901, figure la Brasserie Saint Louis de Maurice Derieppe (avec la mention du décès de celui-ci). Elle est située rue de Lannoy avec des bureaux lillois au 43 rue de Valmy. En 1928, elle existe toujours au 3 rue Voltaire tenue par son fils qui a le même prénom.