La Cité de la Bière

Cité de la Bière : des brasseries en Pévèle avant la Flandre... 

Un article de Anne-Gaëlle Dubois paru dans la Voix du Nord le dimanche 17 septembre 2023



Carte postale ancienne de la brasserie Lespagnol à Bersée



Gravure de la brasserie Lambelin à Templeuve-en-Pévèle


Certes, la future Cité de la Bière aura vocation à évoquer le monde brassicole de toute la région. Mais, en attendant, le duel oppose Pont-à-Marcq, en Pévèle, et Bailleul, en Flandre. Or, si on se plonge dans l’histoire, la première brasserie identifiée en Pévèle était à Cysoing, dès 865... En Flandre, c’est venu après !  


L’ancien facteur de Templeuve-en-Pévèle, retraité depuis août, passionné d’histoire locale – après sa tournée, il avait coutume de passer ses après-midis le nez dans les archives – est aussi un amateur de bières. Il est tégestophile, collectionneur de tout ce qui tourne autour de la petite mousse. Il prépare un ouvrage qui devrait valoir son pesant de capsules sur les brasseries de chaque village de la Pévèle et du Douaisis.


Mais, ce qui pour Bruno Fourot est une preuve indiscutable, concerne Cysoing : « En 865, il y avait une brasserie à Cysoing, au monastère. On le sait car un certain Walgaire avait fait don de terres et de châteaux dans le Tournaisis et en Pévèle à la communauté en échange d’être nourri, logé et d’avoir chaque jour de la bière ! » 


On a encore la charte dans le cartulaire (le registre qui contient les titres et privilèges) du monastère de Cysoing. « Cela signifie obligatoirement qu’on brassait au monastère pour toute la communauté... Or, à cette période, on n’a aucun écrit sur la Flandre. » En plus, le monastère était un fisc carolingien, c’est-à-dire qu’il appartenait au domaine royal, or Charlemagne imposait qu’on y serve de la bière, l’eau étant imbuvable ! D’ailleurs, rappelons que la petite-fille de Charlemagne, Gisèle, y vivait et a fondé l’abbaye de Cysoing...


Du houblon à Cobrieux


Bruno Fourot n’en a pas fini avec ses révélations. Il a découvert qu’on cultivait du houblon à Cobrieux vers l’an 1 000, avant que son utilisation ne se répande pour aromatiser et assainir la bière. Le fief de la houblonnière se situait entre l’église et le bois : « On a des écrits. Cela signifie qu’il y avait un besoin local. »


Et si on ajoute que Douai, à qui appartient une partie de la Pévèle, a pris sa première loi sur la bière en 1250... avant Paris, et que le Douaisis avait en 1804 plus de brasseries que les secteurs de Bergues, Cambrai ou Lille, la candidature de la Pévèle-Carembault prend tout son sens !


Une première mention au VIIème siècle


En attendant la parution, l’historien a livré quelques révélations. Première surprise, alors que la Flandre intérieure met en avant son histoire brassicole, Bruno Fourot en est persuadé : les premières vraies brasseries existaient d’abord en Pévèle... La preuve ?


Il y a d’abord « une première mention de fabrication de la bière dans les abbayes bénédictines au VIIème siècle, par l’abbé de Saint-Amand. Avant cela, en fait, on faisait déjà de la bière mais dans les foyers. Chacun produisait pour sa propre consommation. Or, des abbayes bénédictines, il y en avait dans le secteur, à Marchiennes, Saint-Amand, pas en Flandre ! »


Le développement entre 1870 et 1914 

 

Mons-en-Pévèle, la brasserie des Deux-Villes a tenu jusqu’en 1980.

    

Les brasseries se sont surtout développées en Pévèle vers 1870 grâce à de nouvelles techniques, la pasteurisation, les levures... Ce qui a simplifié la fabrication de manière industrielle. Attention, à l’époque, les brasseries restent de taille modeste. Et de fait on en compte quasiment dans tous les villages. Il y en avait quatre à Bersée par exemple ! Avec la guerre 14-18, beaucoup ont disparu. D’abord à cause des bombardements, mais aussi du vol des cuves et du matériel par les Allemands. Elles n’ont pas pu se relever. 


Tout de même, on citera la brasserie Saint-Arnould (du nom du saint patron des brasseurs) au hameau des Deux-Villes à Mons-en-Pévèle, qui a tenu jusqu’en 1980 environ. À Templeuve, on peut encore voir les anciens bâtiments de la brasserie Pollet sur la place, ou encore rue de la Quièze l’ancienne brasserie Firmin.



Parmi les petites histoires collectées par l’ancien facteur, on retiendra aussi qu’une brasserie à Bourghelles a fait polémique. En 1759, une plainte avait été enregistrée car elle pompait l’eau du puits au centre du village : « Chaque voisin tremble car il met à sec le puits, seule ressource contre un incendie et pour donner de l’eau... »