Historique de la bière



La bière est la boisson alcoolisée la plus consommée dans le monde avec plus d'un milliard 800 millions d'hectolitres par an (contre 300 millions d'hectolitres de vin) ; sans doute aussi la plus ancienne. Signe de sa popularité, son nom dérive du latin bebere (boire, tout simplement).

La Brasserie du Pélican a édité un document dactylographié de deux pages qui raconte l'historique de la bière.



Longtemps, on a cru que les Egyptiens avaient été les premiers à fabriquer de la bière. Or, des découvertes successives ont montré que l'origine de ce breuvage était beaucoup plus ancienne.

Les temps préhistoriques

La bière a dû apparaître, en effet, à l'époque néolithique, dès que les premiers hommes ont commencé à récolter les céréales et à les conserver pour une consommation ultérieure. Par la cuisson des graines et leur fermentation dans l'eau, l'homme des cavernes s'est mis ainsi à produire une boisson à la fois nourrissante, désaltérante et se conservant facilement.




En Chine

L'archéologie chinoise parle d'un îlot d'anthropoïdes saouls. En effet, dans le village de Shuangou, de la province Jian Shu dans le delta du fleuve Huaihe il a été retrouvé un fossile de 15 millions d'années d'anthropoïdes ayant consommé de l'alcool ! Les Chinois sont, techniquement, bien plus avancé que les civilisations se trouvant sur les bords de la Méditerranée. Le tsiou, comme ils l'appellent, est une boisson à base de millet, bien clarifiée et ayant achevé sa fermentation. Il ne s'agit déjà pas de pain liquide, mais d'une liqueur enivrante. On cite la légende du bol de riz abandonné par un paysan chinois qui le consommant quelques jours plus tard lui a trouvé un goût fort sympathique.

A Jéricho

Des traces d'une boisson issue de la fermentation de céréales ont été découvertes sur le site de Jéricho (Palestine) et remontent à 12 000 ans avant JC.

A Sumer

L'antique civilisation sumérienne nous a légué les premières traces écrites concernant la bière connues à ce jour. Des textes gravés en caractères cunéiformes sur des tablettes d'argile, remontant à plus de six mille ans, attestent que parmi les victuailles des festins, la bière était omniprésente. Les Sumériens avaient déjà développé une dizaine de type de bière. 

Cette tablette d'argile, qui est exposée à Métropolitan Muséum de Londres, contient un premier exemple d'écriture, en forme de pictogrammes dessinés dans l'argile avec un instrument pointu. On y évoque l'attribution de la bière. La plupart des premières tablettes viennent du site d'Uruk, dans la Mésopotamie du sud. 

Le symbole pour la bière, un bocal droit avec la base pointue, apparaît trois fois sur la tablette. La bière était la boisson la plus populaire dans la Mésopotamie, elle était attribuée comme rations aux travailleurs.

Les signes sont groupés dans des cases. Ils sont d'habitude lus de haut en bas. Un pictogramme qui signifie " pour manger " se trouve dans la rangée du bas à gauche, il représente un bol renversé vers une tête humaine schématisée. À côté des pictogrammes il y a cinq impressions différentes, représentant des symboles numériques. Au fil du temps ces signes sont devenus plus abstraits et semblables à l'écriture cunéiforme.
Appelée Sikaru, ce qui signifie pain liquide, la boisson que consomment les Sumériens est déjà un produit complexe fabriquée généralement à partir de l'orge. 


Enki est le dieu sumérien des agriculteurs et des cultures, c'est le père de Ninkasi, la déesse de la bière.




En Chaldée et en Assyrie


La bière, connue des peuples de Chaldée (maintenant Irak et Koweït) et d'Assyrie (Syrie, Liban et Palestine), devenue monnaie d'échange, commença sa dissémination. 


A Babylone

Les Babyloniens diversifient encore la gamme avec au moins 34 bières différentes recensées. A Babylone, la bière est utilisée comme moyen de paiement, mais aussi de façon médicale contre les migraines et certaines infections. Les femmes l'employaient comme produit de beauté pour leur peau. 



Le roi Hammurabi fut le premier à promulguer une loi sur le brassage et la restauration comprenant au total 320 paragraphes, appelé code d'Hammurabi. Ce texte contenait entre autres des directives concernant le brassage, l'inspection des restaurants et le prix de la bière. Pour les fabricants de bière insipide, Hammurabi prévoyait la mort par noyade dans leur propre breuvage.


Tablette de copie du prologue du Code d'Hammurabi datant de la première moitié du XVIIIe siècle avant J.-C. sans doute antérieure à la rédaction de la stèle reproduite ci-dessous. Musée du Louvre à Paris.

Le code d'Hammurabi,  qui a été redécouvert en décembre 1901 et janvier 1902 à Suse en Iran, est gravé sur une stèle de 2,25 mètres de haut comportant la quasi-totalité du texte en écriture cunéiforme et en langue babylonienne.  Cette stèle est visible au musée du Louvre à Paris au département des Antiquités Orientales.

Les sentences sont particulièrement sévères. Les brasseurs qui diluent trop la bière seront noyés dans leur propre bière et ceux qui fabriquent de la bière frelatée devront la boire jusqu’à ce que mort s’ensuive. Celui qui fait payer sa bière en argent et non en orge sera noyé et l’aubergiste qui tolère des discussions politiques ou dangereuses pour l’Etat sans livrer les auteurs aux autorités sera exécuté.

En Egypte

En Egypte, la légende raconte que le dieu Osiris aurait oublié au soleil une décoction d’orge et d’eau sacrée du Nil, devenue sous l’effet de la chaleur un vin d’orge délicieux. Osiris est de ce fait investi aujourd’hui du statut de dieu des brasseurs.

Les céréales sont si importantes en Egypte que ce ne sont pas moins de cinq dieux et déesses différents qui président aux cultes du grain. Osiris (créateur du blé), Népri (l'incarnation du grain), Renenoutet (déesse des récoltes, mais surtout des greniers), Chemou ( allégorie de la saison des récoltes) et Chaï (bon démon à tête de serpent incarnant la subsistance ; il est souvent associé à Renenoutet).


« Pain et bière » est une expression que l'on retrouve gravée en hiéroglyphes dans presque tous les mastabas. La phrase exacte est d'ailleurs « Pain et bière et toute bonne chose ». Le pain comme la bière constituent la nourriture de base des Égyptiens. A ce titre, lors des fêtes d'Opet (célébrant la période où le Nil est au plus haut en permettant ainsi les inondations nécessaires à l'agriculture), Pharaon ouvre les portes du grenier principal de Karnak et offre aux habitants en liesse du pain et de la bière. Les principaux grains utilisés sont l'orge et le blé et sont considérés comme les céréales fondatrices de la civilisation égyptienne.


Les Egyptiens montrèrent très tôt une prédilection pour le vin d'orge, qui fut leur boisson nationale. Les techniques de fabrication ont été retrouvées sur des maquettes, des fresques et des papyrus. On utilise l'orge, le millet et une variété de blé appelée épeautre. Ces céréales sont broyés en farine puis additionnées d'un peu d'eau, pour former des pains qui seront cuits au four, permettant ainsi de les conserver et de les transporter. 

Maquette de cuisine avec des ouvriers en train de moudre, cuire et brasser. Epoque de la 12e dynastie, 2 050 à 1 800 avant Jésus-Christ. Musée égyptien de Berlin.

Maquette d'une scène de brassage au musée du Caire en Egypte
Les pains d'orge étaient émiettés, mouillés. On y ajoutait des dattes, dont le sucre permettait au breuvage de fermenter. Celui-ci est aussi versé dans des moules chauds, mais devait y rester à peine le temps de dorer la croûte. La pâte était ensuite pétrie. Un brasseur pénétrait dans la cuve pour piétiner les ingrédients afin d'obtenir un mélange homogène. La bière était transvasée dans de grandes jarres. On utilisait des tamis pour essorer les morceaux de pain jusqu'à la dernière goutte, ou on l'égouttait dans des paniers en osier placés au dessus de jarres. La bière était stockée dans des amphores fermées par un bouchon en paille et en argile humide ou par une petite assiette et un peu de plâtre. Chaque brasseur apposait un signe distinctif sur le récipient et mentionnait le lieu et la date de fabrication. Dans les familles modestes, on se servait des pâtons recuits tous les jours afin de fabriquer la bière. A la fin de la fermentation, la bière était filtrée et conservée dans des jarres ouvertes. La peau, qui se formait en surface, était recueillie puis utilisée dans la confection du pain et des pâtisseries. Les noms les plus fréquents, pour la bière ainsi obtenue, étaient zythum et curmi.


De gauche à droite : Pétrissage de la pâte en la foulant aux pieds,  filtration à travers un panier en osier, obturation des jarres avec un bouchon d'argile. Dans les familles pauvres, les jarres ne sont pas bouchées. Au contact de l'air, de l'écume se forme à la surface. Cette écume est recueillie et mise à sécher. C'est elle qui constitue la levure employée pour faire lever la pâte à pain.
Papyrus représentant la fresque (1800 av. J.-C.) du tombeau du grand chambellan, Kenamon, d’Amenophis II, près de Louksor.

La bière était une véritable institution en Égypte Antique. On en boit beaucoup et ce dans toutes circonstances : aux champs, à bord des bateaux, lors des réceptions et, bien sûr, dans les cabarets des villes. Tout comme le vin, on distinguait la bière selon le cru, le savoir-faire du brasseur et sa teneur en sucre. Avant consommation, la bière était versée dans des cruches d'un ou deux litres dans lesquelles les buveurs plongeaient des gobelets en faïence, métal ou pierre. La bière brune était la plus répandue. La bière blonde était réservée pour les jours de fête. On pouvait rajouter du sucre de datte ou des herbes pour augmenter le degré alcoolique du breuvage. De nos jours, cette bière est toujours fabriquée en Egypte. Cette bière fermentée et fortement alcoolisée s'appelle la bouza.


La bière offre l'avantage d'être une boisson populaire, aussi bien bue par le Pharaon que par le modeste paysan. Il faut la consommer avec un chalumeau qui possède un filtre, car beaucoup d'éléments flottent à sa surface (paille, grumeaux, etc) comme on le remarque sur la stèle funéraire de la 18ème dynastie, reproduite ci-dessous.





Les données égyptiennes les plus anciennes remontent à l'époque prédynastique (4 500 à 3 100 avant JC). Le cimetière d'Abadiya, près de Louxor, a livré des jarres au fond desquelles avaient sédimentés et séchés des résidus de bière. Cette observation visuelle est rapportée par Petrie, célèbre égyptologue du début du XXe siècle qui ne pratiquait hélas pas l'analyse chimique des résidus. Le cimetière de Naqada d'époque dynastique ancienne (3 100 à 2 686 avant JC) a livré des résidus similaires. Une preuve matérielle plus positive a été publiée en 1985, mais elle concerne un site dans le désert du Negev. Il s'agirait d'un caravansérail bâti durant la 1ère dynastie (3 100 à 2 890 avant JC) pour garder la frontière-nord de l'Egypte, près des cascades d'En-Besor. Un bassin et quelques installations de stockage (eau, pain et bière) ont fait penser que ce poste-frontière servait également de brasserie pour les voyageurs.



En 1989, Jeremy Geller fouille le site prédynastique de Hierakonpolis (3 500 à 3 400 avant JC) proche de Louxor. Il exhume un site de production de bière à grande échelle installé sur un monticule en partie érodé, avec 6 grandes cuves préservées et semi-enterrées. Avec des parois épaisses résistantes au feu, elles totalisent une capacité de 390 litres. Le dispositif était couvert (de nattes ?) pour conserver la chaleur et protéger le liquide.
L'analyse chimique et botanique des résidus collés aux parois confirme la présence de sucres caramélisés, de débris de grains mais sans trace de fermentation alcoolique (oxalate de calcium). Ces récipients servaient à la production du moût par infusion. La fermentation se déroulait dans d’autres récipients, probablement des jarres dévolues au service de la bière.


Hierakonpolis est la plus ancienne brasserie d'Egypte connue à ce jour. Elle était en activité il y a 5 500 ans !
Depuis sa découverte, d’autres sites prédynastiques comme Abydos ont été réexaminés à la lumière des conclusions de J. Geller. Ils présentent des dispositifs similaires : alignement de grands récipients épais de terre-cuite associé à un dispositif de chauffage.



Les installations de Hierakonpolis frappent par leur importance pour cette époque. Ce qui en subsiste s'étend sur env. 20 m2, mais J. Geller estime que le monticule originel avait une surface double. Avec les 12 cuves du site intact et un cycle brassage-fermentation estimé à 2 jours, cette brasserie pouvait fournir 300 litres de bière/jour. Cette production excède les besoins domestiques. Elle évoque une organisation collective corroborée par le voisinage de fours destinés à la boulangerie. Hierakonpolis signale les débuts en Egypte d'une centralisation technique et probablement économique de la transformation des céréales. Elle suppose un contrôle relatif des réserves collectives de grains (greniers, silos).

En Egypte comme en Mésopotamie, une céréaliculture irriguée conjuguée à un régime agraire fortement contrôlé mènent à une production précoce, techniquement avancée et relativement centralisée de bière et de pain.
On pourra là encore supposer, sans preuve, que des étapes ont précédé et modifié les rapports sociaux par une lente évolution qui a vu la bière et le pain devenir d'indispensables supports de socialisation en Egypte. Ces étapes préparatoires à Hierakonpolis auraient favorisé l'émergence de la brasserie comme technique alimentaire, activité économique et promu la bière comme liant social.

Les 4 sites prédynastiques de Hierakonpolis, Abydos, Naqada et Abadiya se situent dans la haute vallée du Nil, près de la 1ère cataracte. La seconde cataracte, 200 km plus au Sud, marque la frontière entre les zones égyptienne et soudanaise, les portes de l'Afrique noire, la Nubie et l’Ethiopie de l'antiquité classique.


Décor, d'une chapelle funéraire, en calcaire peint, exposé au musée du Louvre Lens, datant de 2 500 à 2 350 ans avant Jésus-Christ, représentant des brasseurs en train de filtrer la bière du nouvel an. On voit ici des personnages en train de filtrer la bière dans des jarres en céramique. Comme il s'agit d'une bière faite pour une occasion spéciale, de là à penser qu'elle est proche de la Kriek, de la Despé, il y a un fossé, mais on peut penser qu'ils devaient ajouter des épices ou fruits, pourquoi pas ? En tout cas, il y a lieu de penser que le propriétaire de cette stèle funéraire était soit un grand amateur de bière ou que son métier avait un rapport étroit avec la fabrication de ce breuvage ... En tout cas, le propriétaire ne manquera pas de bière dans l'au-delà car le dessin remplace la réalité, et tout ce qui est figuré dans le tombeau, nourriture, boissons, objets, sera disponible réellement pour le défunt. Magique !
Comme indiqué sur la scène en haut à droite, on pouvait déguster ce délicieux breuvage dans des pr Hnqt, c'est à dire des maisons de bière. La jarre représente la bière et le hiéroglyphe qui le contient représente la maison. Celle qui est fabriquée ici l'est à l'occasion du nouvel an (notre bière de Noël en quelque sorte, même si le procédé est un peu différent et leur nouvel an qui se situe en plein mois de juillet) car on peut lire au centre de la scène n wpt rnpt : du nouvel an.

La fête du Nouvel An était fêtée aux alentours du 19 juillet de notre calendrier, et elle correspondait au moment du lever héliaque de l'étoile Sirius (Sohtis pour les égyptiens) et indiquait le début de l'inondation. A cette occasion, les égyptiens faisaient des offrandes aux dieux et s'offraient des cadeaux et notamment des petits récipients contenant l'eau de la crue nouvelle, une sorte de porte-bonheur. 

Ci-dessous une stèle identique provenant du musée du Caire


Le pharaon Ramsès II, surnommé le « pharaon brasseur » proclama des règles très strictes concernant ce breuvage. L’époque de Ramsès III nous a transmis des chopes de bière qui surclassent de très loin les chopes bavaroises : elles avaient une contenance de pas moins de 3,5 litres.


Les Maisons de bière désignent les cabarets et les maisons closes en Égypte Antique. Ces établissements, de mauvaise réputation pour la plupart, étaient des lieux où les hommes venaient fuir pour un temps leur famille ou leur univers social pour s'enivrer tranquillement, ou encore fréquenter des prostituées.

En Grèce

La bière arrive en Europe vers 5 000 / 4 800 avant Jésus-Christ suivant deux courants : le courant danubien (Europe de l’est) et le courant méditerranéen (Sud de la France). Contrairement à ce que l’on croyait, la bière a été fabriquée et consommée très tôt en Grèce et à Rome, avant d’être il est vrai partiellement remplacée par le vin.



La présence de bière ressort des analyses biomoléculaires de résidus retrouvés au fond de poteries minoennes et mycéniennes.

Les civilisations grecques et romaines n'accordèrent pas la même faveur à la bière que les Egyptiens qui la leur avaient fait connaître. Elles vont être les premières cultures à se détourner de la bière, au profit du vin, symbole du sang du Christ dès le début de la chrétienté.

Ce vase grec, du début 4e siècle avant J.-C, montre des banqueteurs couchés consommant du vin qui supplante la bière à cette époque.


En Provence

Si le vin était consommé en Provence il y a 2 500 ans, la bière y était également très populaire et nos ancêtres brassaient eux-mêmes leur petite mousse, ont découvert des archéologues sur le site de Roquepertuse (Bouches-du-Rhône), au pied de Saint Propice la colline qui domine le village de Velaux au nord de l'étang de Berre.


Jusqu'à présent, les archéologues n'avaient trouvé dans la région que des preuves de la production de vin. Mais des analyses effectuées par Laurent Bouby et son équipe du Centre de bio-archéologie et d'écologie de Montpellier montrent que les occupants de Roquepertuse produisaient également du malt et de la bière au Ve siècle avant Jésus-Christ.
" L'exemple de Roquepertuse suggère que la bière était vraiment produite dans un cadre familial (...) Cela contribue à donner l'image d'une société qui utilisait un grand nombre de breuvages alcoolisés dont la bière, qui était probablement une tradition locale ancienne, et le vin, qui était au moins en partie lié aux contacts avec des colons méditerranéens ", estiment les auteurs.
Les chercheurs ont étudié trois échantillons prélevés sur le site, dans le sol près du foyer et du four d'une habitation, dans un récipient de céramique et dans un puits. Les trois échantillons contenaient des restes carbonisés de plantes, principalement de l'orge germé.



Selon l'étude publiée dans la revue en ligne Human Ecology, cet orge a été carbonisé durant le processus de fabrication du malt. Le four situé à proximité devait servir aux Provençaux de l'âge de fer à sécher et griller les grains d'orge pour stopper le processus de germination.

Le matériel retrouvé sur le site de Roquepertuse laisse penser que les habitants employaient à peu près les mêmes techniques que les brasseurs modernes pour la fabrication de leur bière. Ils trempaient l'orge dans des récipients, l'étalaient sur une surface plate et pavée pour le faire germer, le séchaient dans le four pour arrêter le processus puis l'écrasaient à l'aide d'une petite meule pour faire du malt. Ils pouvaient alors utiliser le foyer et d'autres récipients pour la fermentation de la bière et son stockage.


Est-ce à cause de leur extrême spécialisation ou pour toute autre raison, mais l’équipe scientifique ne relève pas l’intérêt des lieux où la trouvaille s’est effectué ? Roquepertuse, près d’Aix en Provence, n’est pas un site anodin. C’était, en même temps qu’un lieu d’habitat  d’une certaine importance, la capitale religieuse des Salyens. Ce peuple appartenait à l’ensemble ligure, implanté du Rhône et au-delà (de là le nom de Ligurie donnée à la province italienne de Genova), allait donner pas mal de fil à retordre à d’autres Indo-Européens, arrivés plus tardivement : les Grecs, fondateurs d’une autre cité, mais littorale et néanmoins toujours concurrente, Massilia. Comme quoi le présent s’éclaire toujours du passé.

A Rome

Si les Romains étaient plus portés sur le vin, cela ne les empêcha pas d’apprécier la bière, notamment dans les régions du nord, plus propice à la culture de l’orge qu’à celle de la vigne. On a ainsi retrouvé, dans une villa gallo-romaine, les vestiges d’une brasserie du IIIe, IVe siècle.
L'Eglise romaine s'est accommodée de la bière, tout en réaffirmant le rôle imprescriptible et impermutable du vin dans la communion chaque fois qu'on proposera de substituer la bière au vin dans un sacrement, arguant d'une adaptation aux contraintes géographiques et à l'expansion de la chrétienté. La bière restera à jamais une boisson profane. L'Eglise romaine veillera à ce que ne ressurgissent pas des cérémonies profanes mettant la bière au centre de rites communiels, sous couvert d'intronisations ou de banquets organisés par des corporations ou des sociétés amicales.

Dionysos n’est devenu le dieu du vin qu’après avoir régné comme Sabazios, le dieu archaïque de la bière.


C'est pourtant, sous l'influence de Rome que la bière fut introduite dans la péninsule ibérique, et qui sera à l'origine de la diffusion de la bière en Gaule.




Les Germains

Les Germains l'adoptèrent au Ier siècle avant notre ère. Ils la fabriquaient avec de l'orge, du froment ou de l'avoine malté et l'aromatisaient avec du miel, du gingembre. Ils en transmirent l'usage aux pays du nord, qui en firent leur boisson exclusive après le IIIe siècle après J.C.



Les Celtes

A l'époque des Celtes, on ne parlait pas de bière, mais de cervesia (Cervoise). Ce terme évoquait la Ceresis vitis (Vigne de Cérès) et faisait référence à la légende selon laquelle Cérès, déesse des moissons et des céréales, aurait découvert la boisson et en aurait fait bénéficier les peuples dont les terres ne se prêtaient pas à la culture de la vigne.

Les Gaulois

La cervoise était appréciée des Gaulois qui l'appelait la Korma ou Brace. Ce dernier terme, qui désignait simplement le malt, sera à l'origine des mots brasseurs, brassin, etc. La popularité qu'elle allait connaître tenait notamment, à la crainte des maladies que pouvait provoquer la consommation d'eau, par suite du manque d'eau potable. Par sa fabrication, la cervoise apparaissait donc comme une boisson sans risque. De ce fait, elle s'intégra à l'alimentation quotidienne.



La préparation ressemblait fort à celle des Anciens. Toutefois, la brasserie progressa. Aux Gaulois revient le mérite d'avoir inventé le foudre et le tonneau en bois. Le premier était réservé à la fermentation et à la maturation, le second à la conservation et au transport.



Jusqu'au IXe siècle, la fabrication de la cervoise n'évolua pas. Elle resta au stade de la production familiale. 

En Amérique

La domestication de la téosinte (g. Tripsacum), ancêtre du maïs (g. Zea), commence il y a 6 000 ans dans les vallées humides au sud-ouest du Mexique (Rio Balsas). Les modifications morphologiques du maïs cultivé l'empêchent de se reproduire par auto-fertilisation. Sa propagation dépend entièrement de l’homme, et non d'une dissémination spontanée. Le lien de dépendance est très fort entre les premières variétés de maïs domestiqué et l’évolution des sociétés amérindiennes protohistoriques. Le maïs s'est répandu rapidement sur le continent américain, à la fois vers le Nord (plaine mexicaine, Montagnes Rocheuses) et le Sud (Amérique centrale, Cordillère andine). Cette céréale va devenir la source d’une importante famille de bières amérindiennes : bières de maïs insalivé, bières de maïs malté, bières de maïs préparées avec des ferments amylolytiques.



Au Pérou, à Cerro Baul, la bière était produite à grande échelle (1 500 à 1 800 litres / brassin) pour une élite du peuple Wari. De nombreuses épingles tupu trouvées sur place et typiques des femmes de l'aristocratie Wari laissent penser qu'elles composaient le personnel de la brasserie. A 15 m de celle-ci, un bâtiment équipé pour les banquets cérémoniels a livré 28 keros de 0,35 à 1,8 litres. Les keros sont des gobelets d'argile rouge finement ornés et dédiés au service de la bière de maïs.
Une autre brasserie plus modeste (4 x 4 m) de la même période a été découverte sur le site voisin d'Omo. Ce site appartient à la sphère culturelle voisine des Tiwanaku. Les Wari occupent le Nord du Pérou, les Tiwanaku une région à cheval entre Pérou, Bolivie et Colombie. Ces deux puissances andines concurrentes au 1er millénaire av. n. è. développent la brasserie au service d'une élite guerrière qui prélève son dû de grains de maïs sur les récoltes des communautés paysannes.

En Europe

C'est sous le règne de Charlemagne, que l'usage de la cervoise se répandit. L'intérêt que portait l'empereur à cette boisson y contribua largement. 


Charlemagne, par soucis de qualité, avait conféré le monopole de la fabrication de la bière aux moines. 
Au Xe siècle, la concentration urbaine va favoriser le développement des brasseries et rentabiliser la profession de maître-brasseur. 

Dans le Walhalla, paradis selon le mythe nordique, les morts passent leur temps à boire de la bière, tandis que dans le monde des vivants la bière ou le malt servaient à payer les amendes, les péages, les loyers et les dettes. Le Norman Domesday Book de 1086, une remarquable enquête sur la vie en Angleterre, répertorie quarante-trois cervisiari, ou brasseurs d'ale commerciaux, qui pouvaient écoper d'une amende de 4 shillings ou être plongé dans l'étang du village s'ils fabriquaient de la bière de mauvaise qualité, malam cerevisiam faciens. 



L'importance des monastères et abbayes

Du IXe au XIVe siècle, la bière sera principalement fabriquée par les moines. 

La tradition monastique voulait que les moines assuraient le gîte et le couvert aux gens de passage. À cette époque, les moines mèneront à bien de multiples expérimentations sur les techniques de fabrication et l'aromatisation de la bière et son utilisation, créant, par exemple, la bière à l'écorce de chêne ou la soupe de bière.



Les plans (ci-dessous) du monastère de St Gall, bâti en 820, montre la présence de trois brasseries. L'une pour les moines, la deuxième pour les pèlerins et la troisième pour les visiteurs.


Au cours des siècles qui suivirent, la brasserie s'organisa. La production à domicile cessa et chaque village eut sa brasserie publique. 



De leur côté, les monastères, qui s'établirent dans ces régions, entreprirent de brasser pour les besoins de leurs communautés. En plus d'assurer les besoins de la communauté monastique, les surplus de production permettait de tirer des revenus supplémentaires. Le succès de la bière engendrera la formation de diverses guildes. Ce corporatisme aura un certain poids dans la société de l'époque. 

Moine brasseur. La plus ancienne représentation d'une salle à brasser. Traduction de l'inscription au haut de la gravure : " Le 46ème frère qui y mourut s'appelait Herttel, brasseur ". Dessin de la chronique de Mendel, de Nuremberg, 1397. (Bibliothèque de la Ville de Nuremberg)

Souvent confrontés à des terres incultes et arides, dont on leur faisait donation, les religieux parvinrent, à force de travail et de volonté, à les rendre productives. L'abbaye d'Affligem qui existe toujours brassa la bière dès 1071. Citons également les abbayes de Leffe, Gimberger, Chimay et Orval. Autant d'abbayes qui témoignent aujourd'hui encore de ces temps médiévaux, tout en évoquant des bières réputées. Une légende raconte que les moines profitaient de leur statut de confesseur pour soutirer des informations secrètes sur la fabrication de la boisson. Cette même bière brassée dans les monastères servait de médicament et était considérée comme un moyen préventif contre les épidémies transmises par l’eau non bouillie. On considérait ce pain liquide comme pouvant être consommé pendant le jeûne du carême, comme l'indiquait le texte latin « liquida non frangunt jeunum ».



Avant l’apparition des brasseries artisanales, les moines régnaient en maîtres sur le commerce de la bière. Une légende raconte qu’ils profitaient de leur statut de confesseur pour soutirer des informations secrètes sur la fabrication de la boisson.

C'est dans les monastères que va se développer une innovation technique majeure entraînant le passage de l'antique cervoise à la bière moderne telle que nous l'apprécions. 

L'emploi du houblon

L'introduction du houblon vers l'an mille, grâce à une religieuse Hildegarde de Bingen (1099-1179), va progressivement remplacer toutes les autres herbes et épices utilisées jusque là pour aromatiser la bière.

Le houblon possède principalement des propriétés aseptisantes et conservatrices en plus de son amertume. En assurant une plus longue conservation à la bière, le houblon allait favoriser son transport et donner à son commerce un plus large rayonnement. Il avait aussi pour intérêt de rendre la bière plus légère et de lui conférer un meilleur goût. Autant de raisons qui firent son succès.


Hildegarde recevant l'inspiration divine, manuscrit médiéval. Hildegarde qui était médecin fut élue abbesse de Disibodenberg, à l'âge de 38 ansElle commence à 43 ans à consigner les visions qu'elle a depuis l'âge de 3 ans. Le 28 mai 2012, Benoît XVI annonça la proclamation d'Hildegarde de Bingen comme Docteur de l'Eglise, faisant d'elle la quatrième femme portant ce titre après Catherine de Sienne, Thérèse d'Avila et Thérèse de Lisieux. Cette reconnaissance est la plus haute de l'Eglise catholique, affirmant par là même l'exemplarité de sa vie.


Les premières réglementations

Les laïcs qui s'adonnaient à la pratique de la fabrication de la bière devaient s'acquitter d'une taxe : le droit de gruyt * qu'ils reversaient aux moines.

* Avant qu’il ne prenne fin en 1435, le droit de gruyt (droit de brassage) réservait à l’usage exclusif des évêques le secret du dosage entre les différents aromates servant à parfumer la bière. Les brasseurs pouvaient la fabriquer, mais ils devaient absolument acheter aux évêques une quantité de « gruyt », un mélange secret de plantes aromatiques, comportant de la myrica, du romarin et de l'achilléDes épices plus coûteuses agrémentaient les bières plus fortes : girofle, cannelle, ail, poivre ou gingembre. Cela permettait de masquer les odeurs désagréables et le goût de l'ale qui avait tournée.



C'est en 1259 qu’apparaît le premier brasseur de métier. En 1268, le roi Saint Louis définit les premiers statuts de la Corporation de brasseurs de Paris.


Cette époque voit également la création de guildes ayant pour but de maintenir la qualité des produits et le respect des traditions par l’instauration de règles strictes.



Cependant, les moyens techniques de l'époque ne permettaient pas d'exporter la bière et c'est à la fin du XIIIe siècle, que l'on attribue à Gambrinus (ou Cambrinus) la diffusion de la bière hors d'Allemagne.



C'est en 1260 qu'apparaît le premier brasseur de métier en Alsace, les moines partageant désormais leur savoir avec des brasseurs profanes.

L'un des plus anciens règlements en France concerne l'Eswart des goudaliers d'Arras édité en 1394 " Pour le bien commun, que tout goudalier brassans Goudale et fachent leur goudale d'iaue (eau) et de grains sans y mettre autres mixtions (mixture) et que le grain soit bon, loyal et marchant, et qui fera le contraire encouera une amende de : V.s. parisis au proufflet (profit) de l'Eswart du dit mestier ".

Il faudra attendre le XVe siècle et Jean Sans Peur, le duc de Bourgogne, pour voir l'utilisation du houblon prendre de l'ampleur. Ce dernier imposa en effet le houblon comme arôme principal de la bière, stabilisant un peu plus son goût. Jean Sans Peur meurt en 1419 après avoir créé l'ordre du Houblon. 

Le plus vieux document écrit faisant état de “ bierre ” est une ordonnance du roi Jean II de France, dit Jean le Bon. Un édit en 1435 impose cette recette et le mot bière apparaît pour la première fois dans une ordonnance rendue le 1er avril 1435 par Jacques d'Estouville, prévôt de Paris, sous le règne de Charles VII, ordonnance qui réglemente le commerce des cervoises.



La Rheinheitsgebot dite la loi de pureté est édicté en 1516 par le Duc Guillaume IV de Bavière. Elle stipule que la bière ne doit être faite qu'avec de l'eau, du malt d'orge, du houblon, à l'exclusion de tout autre ingrédient. 

Der Bierbreuwer (Le brasseur), par Jost Amman en 1568.

C'est dans la peinture flamande, ici notamment dans deux tableaux " Un repas de noces " (ci-dessus) et " La danse des paysans " (ci-dessous) de Pieter Brueghel l'ancien, peints en 1568, que l'on retrouve la présence de la bière dans les festivités.


Parallèlement aux monastères, l'artisanat brassicole se développe au cours des âges, les recettes et tours de mains se transmettent de père en fils. Pourtant pour maîtriser les mystères du brassage et les sortilèges de la fermentation, on s'entoure de précautions basées sur l'observation et sur certaines croyances. Les sommités scientifiques alchimistes donnent la formule : la biologie moléculaire d'alors repose sur les éléments : l'eau, l'air, le feu sachant que la terre a fourni le grain ; l'eau et l'air permettent la germination, l'eau et le feu le brassage, le feu et l'air la fermentation.




Il faut brasser les mois d'hiver pour bénéficier du froid ; la bière de mars est réputée, elle est fabriquée à l'aide des nouvelles récoltes d'orge de septembre et de houblon d'octobre, la froidure de l'hiver a permis une fermentation mieux maîtrisée.

Saint Arnould, évêque de Soissons au XVe siècle, découvre à l'occasion d'une épidémie de choléra que les buveurs de bière sont moins fréquemment atteints que les buveurs d'eau. Pour encourager ses ouailles à consommer la bière, il trempe sa crosse dans une cuve et brasse lui-même la bière. Cela lui vaut d'être devenu le saint patron des maîtres-brasseurs.



La légende de St Arnould

Obsédé par les péchés de son peuple et de ses proches, passant le pont sur la Moselle, Arnould enleva dit-on l’anneau qu’il portait au doigt et le jeta dans les eaux suppliant Dieu de lui donner comme signe d’absolution qu’on lui rapportât la précieuse bague… Des années de pénitence s’écoulèrent et voilà qu’un pêcheur apporta aux cuisines de l’évêché un poisson dans les entrailles duquel se trouvait l’anneau. Arnould l’ayant reconnu rendit gloire à Dieu et sans doute décida derechef de se retirer dans la solitude.
Au moment où Arnould résiliait ses fonctions épiscopales, et s’apprêtait à quitter Metz,  un incendie vint à se déclarer dans les caves du palais royal et menaçant de se propager dans la ville, Arnould  plein de courage se fit conduire dans le brasier « Si Dieu veut que je sois consumé, je suis entre ses mains » aurait il dit en faisant un signe de croix et le feu soudain se serait calmé ! Voilà pourquoi jusqu’au XXVIIIe siècle, les habitants du pays messin venaient honorer les reliques du saint en priant de les préserver des incendies.
Son troisième miracle se situe en pleine chaleur de l’été 1642 (il est mort depuis deux ans) quand les diocésains de Metz ramènent le corps de leur ancien évêque depuis Remiremont. Il n’y avait pratiquement plus rien à boire et il n’était pas question de s’arrêter dans le domaine d’un incestueux. Le duc Notto, l’un des pèlerins,  s’écria soudain : « Par sa puissante intercession le bienheureux Arnould va nous procurer ce qui nous manque » … Aussitôt le petit reste de cervoise demeuré au fond d’un cruchon se multiplia tellement que tous les assistants étanchèrent leur soir et qu’ils purent garder de la bière pour le lendemain au soir duquel ils arrivèrent à Metz.

Au XVIe siècle, la Renaissance fut l’âge d’or des brasseurs. Leur corporation était très riche.


La maison des brasseurs sur la grand place de Bruxelles
Dès 1693, Louis XIV, ayant besoin de revenus pour financer ses armées, vend sous forme de charges héréditaires le monopole de la fabrication de la bière. Les cabaretiers acquièrent ainsi le droit de brasser pour leur propre compte. La bière fait fièrement front à un flot de concurrence : le cognac, le chocolat, le café, entre autres. 

Lille, Le Roi Soleil cède ces droits à des spéculateurs, au détriment de la Corporation des brasseurs. Les Lillois s'unirent pour fabriquer une bière si délicieuse et tellement meilleure que celle de leurs concurrents que ceux-ci revendirent leurs droits, à la grande joie des habitants et au grand plaisir des soldats.


Le Jardin du Prévôt, un des estaminets les plus célèbres de Lille situé rue de Toul

Si nous voyons tant d'cabarets,
Tant d'cafés, tant d'estaminets,
Ch'est que dins ch'monde, on a tant d'misère,
tant d'occasions d'braire 
De s'mette en colère 
Au soir comme au matin,
Contre l' méchant destin 
Et qu'dins l'bière,
On obli s'misère ..
Buvons donc 
De ch'bon jus d'Houblon 

d'après Alexandre Desrousseaux



Le test classique de la bière forte : un banc de bois imbibé de bière reste collé au pantalon. La bière de Carême était autrefois déclarée suffisamment forte si un banc de bois sur lequel avait été versé le contenu d'un bock restait collé à la lederhose (culotte courte traditionnelle de Bavière) de celui qui se levait... Le terme « forte » ne se réfère pas à la teneur en alcool mais à la densité du moût : brassée avec une proportion plus élevée de matière sèche que les bières normales, la trempe est plus visqueuse puisqu'elle contient proportionnellement moins d'eau. Cette sorte de bière, considérée comme de la « nourriture liquide », était brassée dès le XVIIe siècle, dans le monastère Neudeck-ob-der-Au, par les moines de l'ordre de St-François-de-Paul. Peinture de Joseph Puschkin. 

A la fin du XVIIIe siècle, la Révolution française est loin d’avoir été bénéfique pour le patrimoine brassicole. Outre le fait qu’elle a mis fin aux guildes des brasseurs, elle a aussi détruit de nombreux monastères et abbayes, mettant ainsi un terme à de nombreuses activités brassicoles. 

L’arrivée de Napoléon permettra de relancer les activités brassicoles dans le cadre d’une relance générale de l’économie. Cette activité ne sera plus réservé. Lors de l'expédition d'Egypte les savants retrouveront l'importance de la bière dans cette civilisation. Napoléon avait demandé à son équipe de de trouver un substitut au houblon.

En Afrique

Dolo qualifie une bière traditionnelle africaine. Au sens strict, c'est un terme du Burkina Faso pour désigner la bière autochtone locale fabriquée à partir de sorgho malté. Le dolo à Ouagadougou est fabriquée par des artisanes qui sont les dolotières regroupées en une corporation puissante utilisant la radio locale pour annoncer leurs réunions. Le dolo est distribué dans des cabarets. Produit vivant et instable il doit être consommé dès la fin de la fabrication sinon il s'aigrit. De faible teneur en alcool 2 à 3 degrés Gay Lussac, il contient peu de gaz carbonique et sa mousse est peu abondante et peu stable. On découvre bien tardivement que cette boisson joue un rôle important du point de vue nutritionnel notamment pour les populations les plus pauvres.



La fabrication du dolo

Le diagramme de fabrication du dolo présente de nombreuses analogies avec la fabrication des bières industrielles de type Pils. L'obtention du malt de sorgho, du moût sucré après l'étape de brassage est en tous points comparable avec les techniques industrielles. Le procédé de fabrication est même optimisé en matière de rendement matière obtenu en fonction du matériel utilisé. A l'image de l'histoire de la bière en Europe c'est au niveau stabilisation du produit obtenu que des différences importantes éclatent. Bien évidemment pas d'étape de pasteurisation ; aussi le dolo reste vivant puisqu'il contient encore de la levure et d'autres micro-organismes comme des bactéries lactiques ou acétiques. Ces micro-organismes apportent leurs lots de vitamines et d'acides nucléiques et garantissent, le pH étant inférieur à 4,5, l'innocuité de cette boisson, propriété déterminante dans les pays où l'eau est de qualité hygiénique douteuse. Le dolo est donc peu stable, de plus comme il ne subit pas de filtration il est trouble car il contient en suspension des agrégats moléculaires, de type protéines conjuguées à des tanins. Comme au cours de la fermentation, la température est élevée et qu'elle se déroule dans des poteries, des canaris, à ciel ouvert, la teneur en gaz carbonique est loin d'atteindre les 6 grammes par litre d'une bière embouteillée sous contre pression de gaz carbonique. Le dolo servi dans des calebasses ne bénéficie pas de la sophistication poussée du " packaging tapageur ".

A l'image des Pils, les dolos sont élaborées à partir de céréales maltées. Botaniquement, les graminées comportent de nombreuses sous-familles, le blé, l'orge, le maïs, le riz, l'avoine, et aussi la canne à sucre. Dans la savane africaine comportant deux période distinctes saison sèche et saison humide, ce sont les mil, millet, sorgho qui seront utilisés pour fabriquer le dolo au Burkina Faso, le bili bili au Tchad, le bil bil au nord du Cameroun.

Les analogies entre les bières occidentales à base de malt d'orge et les dolos africains à base de malt de sorgho sont évidentes. Pourtant, si l'on se remémore les éléments de théorie et la définition de la bière, on peut fabriquer une bière à partir d'un substrat amylacé et d'une source d'enzymes amylolytiques. C'est ainsi que la diversité des bières s'enrichit des bières de banane.

Outre Atlantique

Outre Atlantiquedes traces de l'industrie de la bière sont mentionnées chez les colons de la Virginie en 1587. Au Québec un extrait des Relations des Jésuites de 1636 parle d'une pinte de bière dans la ration offerte aux ouvriers agricoles. La première brasserie à l'usage et pour l'utilité du peuple a été établie par les Pères Jésuites. Le premier tavernier licencié au CanadaJacques Boisonds'approvisionnait à cet endroit. 

Les premiers colons européens en Amérique du Nord apportent avec eux leur goût pour les boissons alcoolisées ainsi que leurs connaissances traditionnelles permettant de fabriquer ces produits. En Nouvelle-France, certaines communautés catholiques créent des brasseries dès 1620, et les colons les suivent de près en fondant leurs propres fabriques de bière peu après. En 1668, en vertu d'une charte royale concédée par le roi Louis XIV de France, l'intendant Jean Talon crée une brasserie à Québec. En 1668l'Intendant Jean Talon décide de construire une brasserie en Québec. A son ouvertureen 1671elle a une capacité de 4 000 barils.


Après la conquête de la Nouvelle-France par la Grande-Bretagne en 1760, les immigrants provenant des îles britanniques continuent de créer des brasseries à petite échelle dans les colonies des Maritimes ainsi que dans le Haut et le Bas-Canada (aujourd'hui l'Ontario et le Québec), notamment le célèbre brasseur John Molson, qui fonde sa propre brasserie à Montréal en 1786. Cependant, un mouvement social au milieu des années 1830 ralentit (mais seulement temporairement) les activités de l'industrie des boissons alcoolisées : une croisade contre la consommation d'alcool prône la modération.

Don Brewery, 1877, City of Toronto Archives 496.4.3 / La brasserie Don, 1877, les archives de la Ville de Toronto 496.4.3

En raison de la révolution industrielle, qui atteint l'Amérique du Nord dans les années 1840, l'intérêt pour l'« eau du diable » prend de l'ampleur dans la nouvelle classe ouvrière, ce qui accroît la demande pour les spiritueux, demande à laquelle la nouvelle économie peut maintenant répondre. C'est dans les milieux urbains populeux que de grandes entreprises commerciales voient le jour, ce qui donne lieu à la construction d'installations capables de produire des quantités importantes de bière et de spiritueux, d'abord pour le marché local puis, grâce à l'amélioration des moyens de transport, pour la vente à l'échelle nationale.

Les bières dans le monde

On trouve de nombreuses préparations de bières autochtones illustrant l'inventivité, le génie de l'homme, pour élaborer à partir d'amidon une boisson alcoolisée de type bière.


1 Bière de bromus mango, plante bisannuelle chilienne, aujourd'hui remplacée par les céréales européennes.
2 Au Sud du Chili, on utilise aussi les graines d'araucaria, une variété de pin.
3 Bière péruvienne à base de graines de quinoa mâchées par les femmes.
4 Bière de caroubier dans la région du Gran Chaco en Argentine.
5 Bière d'igname au Paraguay et au Nord du Brésil.
6 Cachiri guyanais à base de manioc.
7 Bière de maïs de certaines ethnies indiennes mexicaines (tesguino).
8 Bière de maïs des Indiens cheyennes, apaches et creeks (teswin ou oafka).
9 Bière de glands de certaines tribus californiennes des Rocheuses (avant extermination).
10 Bière des colons canadiens, la Spruce Beer, additionnée de bourgeons de pin ou sapinette.
11 Bière de froment à fermentation spontanée en Belgique : faro et lambic
12 Kwasz russe et estonien à base de pain de seigle.
13 Kiesiel ou zur de Russie et d'Europe centrale, à base de seigle et d'avoine.

14 Bière de ménage dans le Nord de la France, la Belgique et la Prusse : pomme de terre et chicorée.
15 Bière d'orge houblonnée préparée traditionnellement dans le Causase.
16 Dolo voltaïque, une bière de sorgho dont les dolotières font commerce.


Dolotières servant la bière de sorgho au marché de Tapoadjerma au Burkina Faso.
17 Pito nigérian à base de sorgho malté.
18 Au Rwanda et en Ouganda, on prépare une bière de bananes.
19 Kaffir beer en Afrique du Sud et au Zimbabwe, bue trouble et en pleine fermentation.


Zoulous préparant la Kaffir beer.
20 Bière de patates douces au Zaïre.
21 En Afrique occidentale, on utilise aussi les tiges du bourgou, variété de sorgho.
22 Bière de racines de gingembre confectionnée à Madagascar.
23 Le bosa ou bousa éthiopien, à base de froment. On boit aussi en Ethiopie le sala à base d'orge ou de tef. On y ajoute des feuilles ou des rameaux de guécho pour préparer le talla.
24 En Afrique du Sud, les tubercules de pachypodium sont utilisés.
25 Bière des régions pauvres de l'Inde, brassée avec le coracan
26 Pachwaï, une bière de riz additionnée de cannabis dans les provinces indiennes du Bengale et d'Orissa. Madhu et ruhi sont très proches des bières soupes.
27 Bière de riz glutineux dite vin moï ou thaï en Thaïlande.
28 Bière de Nouvelle-Guinée à base de moelle de palmier sagou.
29 Topuy des Philippines à base de riz (analogue aux yakju et takju coréens).
30 Les grains du bambou arundinaria japonica servent à la préparation d'une bière au Japon.

Il est aussi essentiel de se rappeler la fonction de pain liquide dans nombre de sociétés qui consomment ces bières (auxquelles les enfants ont souvent accès), en plus de rôles sociaux ou rituels qui peuvent y être associés. La consommation individuelle de ces bières est très importante dans certains pays africains (+ de 160 l/an) et dépasse les records européens concernant la bière industrielle.

De manière générale, ces bières traditionnelles ne sont ni légères ni rafraîchissantes ; au contraire, elles ont un fort potentiel nutritif, et présentent un aspect trouble, voire opaque, délivrant peu de gaz (à moins qu'il ne s'agisse de bière verte ou tiède en pleine fermentation) et ayant un goût aigre ou acidulé. On les boit très souvent à la paille afin de ne pas absorber des matières résiduelles et on ne les conserve pas. Quant à leurs taux d'alcool, ils sont très variables allant de 1 à 16 % en volume.


La production à petite échelle individuelle ne signifie pas que leur poids économique soit minime. Au contraire, la production de bière de banane ou de sorgho se chiffre en millions d'hectolitres et concurrence vivement le marché des bières industrielles quand il ne le domine pas (jusqu'à 80 % de part de marché), étant plus abordable. Les brasseurs occidentaux ne s'y sont d'ailleurs pas trompés en proposant à leur clientèle tropicale des bières brassées à l'aide de denrées locales, donc moins chères à importer et à vendre, et plus proches du goût traditionnel local. Comme par ailleurs il existe de vrais problèmes d'hygiène des petites productions locales, au point que certains pays africains interdisent désormais le brassage domestique, les produits de substitutions sont du coup très recherchés mais le savoir ancestral est dès lors menacé.

La révolution industrielle

Au début du XIXe siècle, les techniques de brassage sont encore à peu près identiques à celles des moines de Moyen Age. Le brasseur produit en petite quantité des bières de fermentation haute, pour une consommation essentiellement locale. En quelques décennies, tout va changer : La nature et le style de bières, les méthodes de production, la diffusion des produits et l'organisation économique de toute la profession.

Brasserie Laubenheimer à Neirac (Lot et Garonne)

Découvertes scientifiques et progrès technologiques vont se succéder en quelques années. Alors que les bières dites de fermentation haute sont brassées entre 15 et 20°C, les Tchéques de la ville de Pilsen inventent une bière de fermentation basse, élaborée entre 7 et 12°C, particulièrement dorée et limpide, qui se fera connaître sous le nom de Pils.



Ce procédé nécessitait des moyens importants de réfrigération, c'est le développement des transports qui permit aux brasseurs de faire venir neige et glaces des montagnes et de les conserver dans des caves-glacières. Une machine à vapeur utilisée dès 1830 par Gabriel Sedlmayr dans sa brasserie Spaten à Munich, permet d'augmenter la production tout en obtenant une plus grande précision de température.



Utilisation, par les Brasseries Gruber, de wagons réfrigérés en 1880 pour transporter la bière de Strasbourg à Paris en moins de 6 heures.

Ce sont une série d'inventions qui feront de la bière une boisson exportable dans le monde entier et qui seront à l'origine des premiers regroupements des brasseries.

Le refroidisseur

Jean-Louis Baudelot, de Sedan, inventa en 1856 un refroidisseur de moût grâce auquel on pouvait désormais fabriquer de la bière toute l'année, cet appareil sera fabriqué par la société Vauche. Son idée était simple : des tuyaux en cuivre, communiquant entre eux, laissaient passer à l'intérieur de l'eau de source du bas vers le haut. Le moût chaud est préalablement stocké dans le bac refroidisseur puis coule en couche très fines à la surface des tuyaux du réfrigérant. Au contact de cette masse froide, il se refroidit rapidement et passe à 75°C à environ 15°C de la température de mise en fermentation. L'opération ne dure qu'une heure trente à la place des huit heures précédemment. En plus, l'oxygénation du moût est suffisante et les risques d'infection sont réduits.

Le refroidisseur de moût de Jean-Louis Baudelot


La machine à vapeur

James Watt, un ingénieur écossais apporta en 1865 des améliorations sur la machine à vapeur, une étape clé dans la révolution industrielle et notamment pour l'industrie brassicole.


La machine à vapeur de James Watt

La Pasteurisation

La production des brasseurs subissait régulièrement des accidents de fermentation sans qu'ils puissent en déterminer les causes. A la demande de brasseurs du nord de la France, Louis Pasteur (1822-1895) s'attelle au problème et met en lumière les mécanismes de la fermentation alcoolique due aux levures, mais aussi la nécessité de protéger la bière, pendant les opérations de brassage, de toute contamination infectieuse. En 1873, Louis Pasteur recommande donc une hygiène rigoureuse dans les brasseries et préconise l'élévation de la température pour éliminer les germes indésirables contenus dans la bière, par le processus qui porte son nom : la pasteurisation. Ce procédé protège la bière une fois élaborée pendant plusieurs mois.


Louis Pasteur, dans son laboratoire de Lille, lors de ses travaux sur la fermentation effectués à la demande des brasseurs du Nord de la France.



Historiquement Louis Pasteur, ne pouvant rentrer à Paris, alors en pleine Commune, s'installe a Clermont-Ferrand et reprend ses études sur le ver à soie. Mais la proximité dune brasserie, à Chamalières, lui donne l'idée de battre scientifiquement les Allemands sur leur propre terrain. Avec la complicité du brasseur M. Kuhn, il étudie les ferments au microscope, identifie les micro-organismes responsables des maladies et brasse sa propre bière. Le brevet en est déposé le 26 juin 1871 : « Je désire que les bières fabriquées avec mon procédé portent en France le nom de Bière de la Revanche Nationale, y précise-t-il, ... et à l'étranger celui de Bières Françaises.

La réfrigération

En 1876, Carl von Linde (1842-1934) inventa la machine frigorifique qui permettra l'expansion de la fermentation basse, jusqu'alors cantonnée à la Bavière depuis le XVe siècle.

L'avant dernière étape fut l'identification des levures par Emil Hansen (1842-1909). Il décrit en 1883 une souche de levure de fermentation basse baptisée Saccharomyces carlsbergensis. Jeune, il a travaillé à Paris avec Pasteur qui n'a cessé de soutenir ces travaux.

Emil Christian Hansen dans le laboratoire de la brasserie Carlsberg. Au fond, entre les mains de son assistant, l'appareil mis au point pour cultiver des souches pures de levures.

Les enzymes

En 1896, Eduard Büchner (1860–1917) réussit à déclencher la fermentation d'un moût de bière avec un extrait de levures de bière broyées. Il démontre que l'intégrité des cellules de levure n'est pas nécessaire pour que la fermentation alcoolique se produise. La zymase - comme on nomme alors le composé chimique extrait de la levure - agit hors de la cellule vivante. Cette découverte signe la naissance de la biochimie. Elle va mener à l'identification des enzymes, leur séparation et leur purification tout au long du XXe siècle. La boucle se referme sur les diastases du malt identifiées par Payen et Persoz une cinquante d'années auparavant. Les positions " vitalistes " de Pasteur sont démenties. Les procédés de Büchner pour broyer les levures sont décrits dans son mémoire Fermentation Alcoolique sans Cellules de Levure publié en 1897. Il a réussi là où d'autres on échoué avant lui (Moritz Traube, Berthelot, Liebig, Hoppe-Seyler). La chance d'Eduard Büchner, sur le plan expérimental, c'est Munich où quelques brasseries ont adopté la fermentation basse.



La bière blonde de fermentation basse, appelée pils ou lager, s'impose rapidement auprès des consommateurs : rafraîchissante et mousseuse, elle a manifestement plus d'attraits que les autres types de bières, au point de devenir, au XXe siècle, la référence mondiale pour la bière, supplantant presque partout les bières traditionnelles.

Les bières traditionnelles utilisent nombre de micro-organismes à titre de ferment, de levure ou de starter. Parmi les plus courants on trouve : Aspergillus niger, Aspergillus flavus, Aspergillus oryzae, Bacillus substilis, Candida Krusei, Kloeckera apiculata, Koji, Lactobacillus bifermentans, Lactobacillus casei, Lactobacillus divergens, Lactobacillus fermentum, Lactobacillus fructivorans, Lactobacillus viridescens, Lactobacillus hilgardii, Lactobacillus kandleri, Lactobacillus delbruku, Lactobacillus helieticus, Lactobacillus plantarum, Lactobacillus salivarius, Lactococcus lactis, Leuconostoc mesenteroides, Mucor rouxii, Penicillium damnosus, Rhyzopus orizae, Saccharomyces cerevisiaeSaccharomyces elegans, Schizosaccharomyces.

La prohibition



La prohibition fait référence à plusieurs périodes de la première moitié du XXe siècle où la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation et la vente des boissons alcoolisés étaient prohibés dans certains pays, comme :
  • La Finlande de 1919 à 1932, appelée kieltolaki
  • Le Canada de 1900 à 1948, dans la province de l'île du Prince Edouard et pendant de plus courtes périodes dans plusieurs autres provinces
  • La Russie de 1914 à 1925
  • Les Etats-Unis de 1919 à 1933.


Aux USA, le premier État à limiter les ventes de boissons alcoolisées fut le Maine en 1851. En 1855, 13 États américains, appelés dry states, adoptèrent des mesures établissant la prohibition. Dans les années 1920, un regain d'intérêt pour les États secs émerge parmi la population américaine. Ce regain d'intérêt est aussi marqué d'une forte période d'intolérance, laquelle dura environ 10 ans, de 1920 à 1930 et ramena à l'avant-scène certains mouvements civils radicaux tel le Ku-Klux-Klan prenant ouvertement parti en faveur de la prohibition.


La prohibition établie à l'échelle nationale par le 18e amendement de la Constitution des Etats-Unis fut ratifiée le 29 janvier 1919 puis entérinée par le Volstead Act du 28 octobre de la même année. Les mesures de prohibition proprement dites entrèrent en vigueur le 16 janvier 1920, alors que prenait effet le 18e amendement de la constitution. Le Volstead Act fut ensuite amendé le 17 février 1933 par l'adoption du Blaine Act autorisant la production et consommation de boissons peu alcoolisées telles les bières légères ne contenant pas plus de 3,2 % degré d'alcool ou 4 % en volume. Le 18e amendement fut finalement retiré au cours de la même année par la ratification du 21e amendement de la Constitution.

Les opposants à la prohibition tels l'Association Against the Prohibition Act Amendment, avancèrent plusieurs arguments justifiant leur requête : la limitation des libertés individuelles, l'inefficacité de la loi, le manque à gagner sur les taxes et l'augmentation du chômage débouchant sur la crise économique des années 1930.

En avril 1933, le président Franklin Delano Roosevelt abrogea finalement le Volstead Act qui jusqu'alors justifiait et définissait la prohibition. Ce qui permit alors à l’État de lever de nouvelles taxes.


L'époque actuelle


A la suite de la première Guerre Mondiale, le nombre de brasseries diminue considérablement. Nombre d'installations sont détruites. Faute de main d’œuvre et de matières premières réquisitionnées, la production est impossible. Celles qui reprirent le travail durent se mécaniser, ce qui fut possible grâce aux dommages de guerre. 


L'état de  la Brasserie du Mont des Cats (France Nord) en 1918
Ruines de la Brasserie de Frelinghien (France Nord). Carte allemande de 1918.
Brasserie détruite par l'artillerie près de Brasso en Transylvanie
Dans les années 30, la crise économique n’arrange rien et la deuxième Guerre Mondiale va encore diminuer leur nombre. Devant la pénurie de malt on est contraint d'utiliser des succédanés (ersatz), comme le maïs, le riz, voire des pommes de terre et même des figues.

La Brasserie Graff à Rennes recevra 21 bombes durant la deuxième guerre mondiale.
La Brasserie Gangloff, roche de Besançon, fut en partie détruite le 16 juillet 1943 par l'aviation anglaise lors du bombardement de la gare Viotte.
Après la Seconde Guerre Mondiale, le nombre de brasseries a encore diminué, les petites ayant disparu où ayant été rachetées par les plus grandes.

De nos jours, deux tendances se marquent au niveau de la production brassicole : au niveau mondial des fusions importantes entre grands groupes brassicoles, au niveau régional, la renaissance de petites et moyennes brasseries qui développent des produits variés et de qualité liés au terroir.

La concentration des brasseries crée les grands groupes que nous connaissons aujourd'hui, comme InBev, BDF, Heineken, Foster's, Guiness.




Mais depuis les années soixante-dix, un mouvement se fait jour pour redécouvrir les styles anciens ou traditionnels. Ceux-ci s'exportent de plus en plus. C'est en Bretagne, à l'occasion des Fesnoz que des bières artisanales refont leur apparition. De nombreuses brasseries artisanales s'ouvrent ne vendant leur production que dans l'établissement lui-même, comme on le faisait au Moyen-Âge.



Par une combinaison de facteurs, dont la popularité croissante des bières étrangères et du brassage amateur la révolution microbrassicole prend forme partout au monde. Parfois simples passionnés de la bière, parfois habiles entrepreneurs flairant la naissance d’un nouveau marché, les microbrasseurs ont contribué à la croissance de l’intérêt porté à la bière. On ne s’intéresse plus à la bière pour ses propriétés nutritives ou désaltérantes, mais pour son goût. Les expressions « bière de dégustation », « bière artisanale » et « bière de spécialité » naissent, parmi d’autres.

Avec la révolution microbrassicole apparaissent les bistros-brasseries.

Cette nouvelle disponibilité de saveurs et d’expériences fait naître des clubs et associations. On intègre les notions de service de la bière à certaines écoles d’hôtellerie, les conférenciers et animateurs de dégustations sont de plus en plus nombreux, comme le sont les auteurs de livres sur la plus noble et la plus saine des boissons.


Il est captivant de constater que l'histoire de la bière se superpose à l'évolution des civilisations et des sociétés. Considérée, tour à tour, comme un bienfait ou comme un danger, la bière connaîtra certainement dans le futur des épisodes tout aussi rocambolesques. Mais une certitude c'est qu'elle sera toujours source de passions ... et de taxations !

" La bière c'est de l'eau, des frais généraux et des taxes."


Citons pour conclure la formule de Benjamin Franklin : « La bière est la preuve que Dieu nous aime et veut que nous soyons heureux ». Pour comprendre, allez donc faire un tour à l'abbaye de Sixte qui fabrique la Westvleteren, élue meilleure bière du monde !