Le Pélican traverse le temps




L'idée de donner le nom de Pélican à la brasserie est due aux trois associés Armand Deflandre, Raoul Bonduel et Louis Boucquey. A l'époque, un fox-trot, appelé Danse du Pélican, était extrêmement célèbre. Ce nom fut choisi car il était à la fois très connu et prononçable dans toutes les langues.

En 1921, un premier document (ci-dessus et ci-dessous), de la brasserie Pélican, portant l'image de cet animal, nous le montre non stylisé.


Les partitions de ce fox-trot, " The Pélican", dues à Clapson, sont illustrées d'un pélican nettement plus stylisé sur le plan graphique. 



Le dessin est attribué à Lucien-Victor Guirand de Scevola qui est par ailleurs considéré comme étant l'un des inventeurs du camouflage militaire. On le trouve sur les camions militaires à Verdun (image ci-dessus) ! A la suite de l'exposition des insignes des services automobiles organisée par l'Union des Arts après la guerre, l'éditeur de musique parisien Clapson eut l'idée de sortir une série de partitions à la gloire de ces sections automobiles. Ce pélican avait été utilisé comme insigne par la TM 557 qui était commandée par le Lieutenant Dutel au moment de l'armistice.

D'autres documents concernant cette danse utilisent une image beaucoup plus conventionnelle du pélican.



Le premier pélican qui sera véritablement utilisé comme emblème de la brasserie apparaît sur une plaque émaillée. Ce pélican est le seul qui possède 4 doigts à l'une de ses pattes. 

Progressivement, nous allons le voir, le logo va subir des cures de simplification et sera de plus en plus stylisé. Le pélican perdra, au fur et à mesure, plusieurs de ses plumes, sa houppette, une patte et même un œil ! Cet œil ayant vu disparaître successivement son sourcil puis sa pupille.


Ci-dessus, le premier logo du pélican avec un bec effilé, une ligne du cou prononcée, une houppette, sept plumes au bout de son aile et deux pattes dont l'une à quatre doigts.
Le pélican est figuré de profil, l'image peut être symétrique, le pélican regardant vers la droite ou la gauche sans préférence.


La version suivante est très proche, avec déjà toutefois trois différences importantes. La patte visible au premier plan n'a plus que trois doigts, le bec s'est arrondi et l'œil comporte un sourcil séparé. Le dessin est globalement retouché, avec une aile plus arrondie. Le pélican est toujours campé sur ses deux pattes et garde ses sept plumes à l'extrémité de son aile unique.

Le pélican est le plus souvent dessiné en blanc avec un contour noir sur un fond rouge vif. On découvre des variantes colorées, celle ci-dessous n'a déjà plus que six plumes.


Le document ci-dessus figure sur des assiettes. Différentes pièces de vaisselle pouvaient être obtenues avec un système de points obtenus lors des achats.

Les illustrateurs n'hésitent pas à s'amuser avec ce symbole en agrandissant la famille ! Le papa pélican se voit même attribuer une seconde aile et des pattes en mouvement.


Omer Boucquey, le fils d'un des fondateurs de la brasserie, qui fera carrière dans le film d'animation, dessinera en 1936 ce pélican. Il lui donnera le nom très amusant de Biair.


On découvre aussi cette belle variation, due à André Roland. Le bec du pélican se confond avec la mousse du verre de bière.




Une modernisation du logo, va lui faire redresser le cou et arrondir son bec. L'œil est très brillant. Le pélican perd encore une plume pour n'en compter plus que cinq dorénavant.


Le pélican ci-dessous a été reproduit sur un livret publicitaire édité en 1950. Son tracé est moins adouci et son aspect très stylisé ne comporte que peu de courbes. On en retrouve uniquement au bas des plumes, de son œil et surtout dans l'arrondi du bec. Il n'a que cinq plumes à son aile et la patte est unique. Le plus étonnant reste cette pointe au sommet du crâne.


A une autre page de cette brochure, éditée par Sodiar Publicité au 235 rue Faubourg Saint Honoré à Paris, on découvre ce même pélican très stylisé.


Le pélican ci-dessous se trouve au dos d'une autre assiette avec la marque de la fabrique à Gien. C'est le seul pélican qui possède 4 plumes.



Cette modernité va donner des ailes, sans mauvais jeu de mot, aux dessinateurs. L'illustration reproduite ci-dessous, et qui figure sur un sous-bock, donne une certaine respectabilité à cet oiseau grâce au nœud papillon. Mais on note surtout la première tentative de redressement du bec, celui-ci devient horizontal assurant l'image parfaite de la stabilité. L'ensemble est très réussi faisant passer le double message ambigu d'un dynamisme joyeux et d'un équilibre rassurant.


Le pélican devient de plus en plus dynamique et gai. Il renoue avec ses origines musicales.





Ces quatre précédentes images montrent que le terrain est prêt pour une nouvelle modernisation du logo. Le bec s'est très nettement arrondi et / ou redressé. Nous allons retrouver cette évolution dans l'étape suivante.


Cette fois le pélican est campé sur une seule double patte, il n'a plus que trois plumes et le bec est bien horizontal et très évasé ... une façon de se donner de la contenance et du contenu !
N'oublions pas que le pélican a la vertu de bien nourrir ses petits grâce à son immense bec.
Pour la première fois l'œil est bien rond sans pupille, sans sourcil et la houppette se réduit à un double trait.

Jusqu'à présent il n'y avait pas de charte graphique pour la colorimétrie. Désormais le pélican sera jaune sur un fond rouge.


De simplification en simplification notre pélican va encore perdre des éléments. Ce sera la houppette qui disparaît et le peu de deuxième patte qui lui restait. Le bec est un peu entrouvert et les plumes qui sont encore au nombre de trois sont redessinées.



Précédent une nouvelle évolution, les infographies s'amusent encore une fois avec ce logo. On le trouve en négatif sur des T-shirts. Pour le printemps on met une fleur dans le bec du pélican ou des dents pour affirmer son caractère.



On le coiffera même à nouveau, avec la toque du cuisinier.


Et pourquoi pas un parapluie et divers accessoires trouvés à la braderie de Lille !



Cette ultime (?) version du pélican bradeur (ou bradeux comme on dit chez les Chtis) montre les toutes dernières simplifications. Si le pélican s'est chargé d'objets il a par contre perdu son œil et ses dernières plumes. Que lui reste t-il ?
Nous avons retrouvé une autre illustration où ce pélican, toujours chargé d'un moulin à café dans le bec, d'un lampadaire sous l'aile et d'un sac à dos, n'est plus borgne.


Dans cette autre version, utilisée pour une opération déballage, le pélican porte le même grand sac à dos. Il a le bec ouvert pour transporter ses autres trouvailles, dont un canard, un réveil matin et bien sûr un verre de bière.







Quel sera le prochain envol du pélican ? La campagne publicitaire " Bière comme personne " des années 2000 avait montré un retour vers la photographie.


Nul doute que le pélican nous réservera encore quelques surprises ... Il est intéressant à ce titre de voir le travail, hors agence, de certains graphistes.

En tout cas chapeau Monsieur le Pélican !


... et parfois notre pélican est un sacré farceur, surtout le 1er avril 2014, quand il choisit de se faire remplacer par un lama !