Jean Deflandre, industriel et créateur


La Voix du Nord | Publié le 25/02/2014

 

Jean Deflandre naît au début du siècle à Braine-le-Comte (B). Son père, Armand, le chef de la quatrième génération d’une dynastie de brasseurs, est un excellent technicien de la bière. Sa réputation dépasse les frontières du royaume. Louis Boucquey de Caesteker, un businessman, qui possède une brasserie à Lille et une malterie à Saint-André, fait appel à lui pour réorganiser sa production. 


Ainsi, le petit Jean fera-t-il ses études à Lille. Il y démontre beaucoup de talent et intègre l’École supérieure de brasserie de la faculté des sciences de Nancy où il obtient (avec mention) le titre envié de maître-brasseur. Le jeune Jean Deflandre, bien formé, héritier d’une famille brassicole, a tout pour réussir. Il se montre très ambitieux. Il obtient de son père l’autorisation d’une année sabbatique. Il veut étudier, in situ, les méthodes de fabrication des meilleures enseignes européennes. Au Danemark, il va rencontrer sa future épouse. Elle est la fille d’Albert Hansen, le directeur du laboratoire de chimie qui met au point les levures des bières danoises.

 

En Angleterre, il va connaître la seconde grande aventure de sa vie. Lors de son séjour dans la Brasserie anglaise Kingston Upon Thames, il découvre de nouvelles bières inconnues en France. Utilisant la fermentation haute, elles sont gourmandes en malt d’orge, brunes, goûteuses et assez alcoolisées. Jean Deflandre songe à créer sa propre bière brune, à la française. En 1935, il succède à Armand à la direction des Brasseries du Pélican, près du port fluvial de Lille. En deux ans, il met au point la Pelforth 43 (Pel comme pélican ; forth parce que cela fait anglais et 43 parce qu’il faut 43 kg de malt d’orge par hectolitres de bière… du jamais vu à l’époque). Cette brune, unique, va connaître un succès considérable. Il s’en produit beaucoup en même temps que Jean continue à brasser les bonnes vieilles bières du Pélican imaginées par Armand. La guerre survient… L’occupant invente chaque jour des restrictions nouvelles. Jean Deflandre n’en a cure. Il vient d’être démobilisé et achète toutes les matières premières disponibles (orge, houblon, etc). Quand il n’en trouve plus, il continue à produire de la bière avec à peu près tout… même de la betterave. Tandis qu’à la Libération, ses concurrentes sont exsangues, la minuscule Brasserie du Pélican tourne jour et nuit. Elle est devenue, en volume de production, la première de la région.

 

Dans les années 1950, Jean Deflandre rachète les Brasseries coopératives monsoises dont la production a chuté considérablement pendant l’Occupation. Le site est vaste et possède un énorme potentiel. L’eau de son sous-sol est d’une qualité incomparable. En 1970, on produit à Mons 150 000 hl de Pelforth brune. En 1972, le Pélican prend le nom de « Brasserie Pelforth », la marque la plus connue. Toutes bières confondues, il se produit alors 1 million d’hectolitres sur le site de la Pilaterie, devenu la plus grosse brasserie du Nord. Novateur, visionnaire, Jean Deflandre est en même temps un patron à l’ancienne… très proche de ses ouvriers. Il met en place dans les douves de l’ancien château Scrive-Rousselle, attenant au site, un espace de pêche dédié aux loisirs du personnel quand, dans le même temps, il investit dans les machines les plus modernes. Ses créations, les différentes Pelforth, existent toujours. Elles contribuent au succès du site de Mons, le plus gros centre de production en France d’Heineken, qui a pris la succession de l’industriel légendaire. A. C. (CLP)